Triangle des Bermudes

Exposition à la Saffir, Galerie Nomade (Marseille) 2010

Le triangle…
Des Bermudes ?
Presque…
D’or ?
Non… pas loin….
…Le triangle, ce bout de tissu assimilé au haut du bikini.
L’été,
Ma priorité,
C’est le SOLEIL,
Lui rendre hommage en lui consacrant le maximum de mon temps.
Mon énergie ancestrale ;
Et la MER,
Sirène d’aventure,
Comme une obsession.
Etre dans l’eau,
Un rituel.
Depuis ma plus tendre enfance,
Ces quelques minutes à nager réglementent mes journées estivales,
Dès ma naissance j’ai passé tous mes étés
Au bord de la mer,
Avec ou sans marée,
Nord ou sud,
Peu importe,
La mer était là.
Chaque jour, la même question, « pourrais je me baigner»,

La marée favorable,
Le drapeau orange clément,
La température de l’eau suffisante,
Le travail indulgent,
Les amoureux en transparence,
Les pluies passagères.
Bref, peu de choses peuvent entraver ces besoins aquatiques.
Et qui dit ‘mer’ dit ‘maillot de bain’, fatalement, outre les naturistes.
Le dilemme du triangle,
En mettre ou pas,
Bikini ou monokini.
Phénomène de mode ou pudeur ?
A l’adolescence, les différences filles garçons se font visibles,
Le choix de mettre un haut de maillot de bain ou pas s’ impose,
Chacune a ses raisons,
Ressembler à maman, et mettre enfin un soutien gorge,
Cacher cette poitrine naissance insuffisamment développée,
Se prémunir contre le cancer,
Cacher un complexe,
Ne pas attirer les regards,
Montrer son sex appeal avec un joli triangle bien ajusté,
Garder le mystère pour être désirable,
Pudeur gênante ou gênée ;
Ne pas en mettre
Refus de grandir,
Rester un garçon manqué,
La chasse aux traces de bronzage,
Féminisme exacerbé…

Mon choix a toujours été le même :
Ne pas en mettre,
Enfant puis adolescente,
Je trouvais vulgaires toutes traces de bronzage.
Un sentiment de légèreté,
Rien qui ne  tire sur la nuque,
Ni sur les épaules,
Ni attaches qui gênent dans le dos,
Le confort avant tout,
Pas de truc mouillé sur la peau.
Aucune pensée séductrice.
Pourtant, personnellement et particulièrement touchée par le cancer du sein.
Paradoxe,
Je devrais depuis bien longtemps me protéger davantage,
Etre catégorique sur le port du haut du maillot,
Au contraire,
C’est ma façon de lutter,
En profiter jusqu’au bout,
Le plus longtemps possible,
Si le mal atteint sa cible,
Je pourrais au moins penser aux belles époques,
Sans regret,
Sans me sentir punie,
C’était un choix assumé,
Peut être bête
Mais qui n’a pas flirté avec la mort ?
Avant c’était facile,
Surtout dans les années 70,80,90.
Mais depuis quelques années,
Ça se corse,
Nous sommes moins libérées,
Les discours sont très controversés,
Prudes,
On voit le mal partout
La pédophilie,
Les viols justifiés.
Par ailleurs, le maillot dépareillé est né,
La possibilité d’acheter un bas taille 36 et le haut taille 42,
Les modèles sont devenus de plus en plus jolis et créatifs,
Et de mieux en mieux coupés,
Les filles peuvent tricher,
De nouveaux systèmes de rembourrage ,
Rehausser ou gonfler quelques poitrines timides…
Ainsi ,depuis quelques temps
Il n’est pas rare que je me retrouve toute seule à la plage les seins nus ,
Ou presque,
Ce qui était devenu naturel et sans question,
A été remis en cause par les autres,
Je ne suis pas du genre mouton à suivre le troupeau,
Pas question de me rhabiller pour autant,
Mais apparaissaient les premiers sentiments de culpabilité,
L’impression d’être tour à tour
Insouciante,
Outrageuse,
Délurée
Voire pornographique !!!

Ma réflexion pour cette exposition s’est faite
Autour du haut de maillot de bain ,
Une façon de rester cohérente avec la styliste,
Et pas n’importe lequel,
LE TRIANGLE, représenté comme ma bête noire,
L’objet d’un tourment estival,
Presque superficiel,
Autant que la mode,
Faussement,
D’où la déclinaison d’illustrations de monstres
Entièrement composés de triangles d’une part.
D’autre part, le triangle,
Ici emblématique du passé, présent et futur,
Réinterprété selon mes goûts,
Créer en tant que créatrice de mode le triangle de mes rêves
En vue d’un éventuel futur où je serai obligée de m’y soumettre,
Une mise en scène du refus et de l’insolence,
A la façon de mes fameuses robes du week end
Humour et décadence,
Douceur érotique.
Bref, en avoir ou pas